Pierre Champion :
un médiéviste à Nogent-sur-Marne
 
Pierre Champion


L’archiviste-paléographe

 
La Bibliothèque de Pierre Champion
La bibliothèque de Pierre Champion

Pierre Champion est un érudit, passionné par l’histoire et les livres. Il naît à Paris le 27 février 1880. Son père, Honoré Champion, est libraire et éditeur des publications de la société d’Histoire de Paris et de l’Ile-de-France, ainsi que d’un grand nombre d’ouvrages historiques éminents. Pierre Champion grandit parmi ces livres et côtoie les historiens de son temps : Siméon Luce, Léopold Delisle ou Auguste Longnon.

Après des études au lycée Henri IV, il est admis à l’Ecole Nationale des Chartes et devient, en 1905, archiviste-paléographe. Désormais, déchiffrer des écritures anciennes, les transcrire et les traduire, quand elles sont en latin ou en vieux français, n’a plus aucun secret pour lui. Aussi, tout naturellement, se consacre-t-il à l’histoire et plus particulièrement à la période médiévale. Progressivement, il devient un spécialiste du XVème siècle. Ces écrits sont, par ailleurs, reconnus par ses pairs puisqu’il obtient en 1906 le prix de l’Académie des inscriptions et belles lettres, puis le 2nd et Ier prix Gobert ( grand prix d’histoire de l’Académie française ) en 1912 et 1914 pour ses biographies de Charles d’Orléans et de François Villon.

Au début du siècle il entreprend la rédaction du catalogue de la prestigieuse bibliothèque du collectionneur Auguste Lesouëf. Il rencontre alors la nièce de ce dernier, Madeleine Smith, qu’il ne quittera plus.



L’arrivée à Nogent-sur-Marne

En 1907, il se marie avec Madeleine Smith, artiste peintre, disciple de Henner. Le couple s’établit à Nogent-sur-Marne où la famille Smith possède, depuis 1895, une vaste propriété du XVIIIème siècle, rue Charles VII. Pour autant, il ne rompt pas totalement avec Paris où il conserve un appartement, rue Michelet. Il ne cessera, tout au long de sa vie, de se partager entre Paris et Nogent-sur-Marne.

Leur somptueuse cérémonie de mariage, à l’église Saint-Saturnin de Nogent, réunit des personnalités des arts et la noblesse : Anatole France, témoin de Pierre Champion, Pierre Louÿs, Charles le Goffic, les frères Tharaud, la duchesse de la Rochefoucauld-Bisaccia, le comte de Kermaingant. Le pape, leur envoie même sa bénédiction.

 

L’affaire " Watteau "

Très vite, Pierre Champion acquiert une réelle notoriété à Nogent-sur-Marne mais pas seulement pour ses écrits. En effet, l’année qui suit son mariage, il prend parti dans une querelle politique dont il devient l’un des leaders. La commune de Nogent-sur-Marne est favorable à la réalisation du boulevard " Blanchon ", c’est-à-dire d’une vaste route qui traverserait de part en part Nogent. Une opposition à ce projet se constitue. Pierre Champion en prend la tête car il en est la principale victime : le parc de sa propriété risque d’être mutilé par cette grande artère. Il fait alors valoir que le peintre Antoine Watteau a vécu dans la maison qu’il occupe, que ce site l’a inspiré et qu’il ne saurait donc être question de détruire un tel lieu de mémoire. Fort de ses recherches sur Watteau, il tente de faire classer monument historique sa propriété. Il obtient le classement le 27 novembre 1908 et réduit ainsi à néant le projet de boulevard. Si la bataille est gagnée, la polémique ne cesse pas pour autant. Ses détracteurs démontrent que le principal argument de cette querelle est faux. Watteau est bien venu à Nogent-sur-Marne (1720) mais il est mort dans la propriété de Philippe Le Febre différente de celle qu’occupe aujourd’hui Champion.

Plus tard, il reconnaîtra, dans une plaquette publiée pour le bicentenaire de la mort de Watteau, avoir commis des erreurs dans l’interprétation de certaines sources. Cet aveu est-il crédible de la part d’un tel érudit, archiviste-paléographe ? Sans doute pas. Mais, qui aujourd’hui oserait blâmer un tel mensonge qui a permis de sauver une propriété et son immense parc qui est toujours un havre de paix et de verdure.

 

L’homme politique et l’écrivain

Comme tous les hommes de sa génération, Pierre Champion part pour la guerre en 1914. Il devient lieutenant, reçoit la croix de guerre, puis, en 1917 est nommé secrétaire du maréchal Lyautey. La Grande Guerre achevée, Champion est déterminé à changer l’ordre des choses, il refuse que tant d’horreurs et de souffrances puissent se reproduire. Aussi, décide-t-il, en 1919, de faire de la politique et de se présenter aux élections municipales à Nogent-sur-Marne. Il est immédiatement élu maire. Dix ans plus tard, il entre au conseil général de la Seine, comme élu du canton de Nogent. Son action, même si elle est souvent dénigrée, n’en reçoit pas moins l’assentiment des Nogentais qui le reconduisent trois fois dans ses fonctions qu’il n’abandonne qu’à son décès en 1942.

Pour autant, Pierre Champion ne délaisse pas ses activités littéraires. Il poursuit ses recherches historiques et ses publications. Il s’affirme parmi les médiévistes et fait sensation au début des années trente. En effet, il découvre le troisième manuscrit authentique du procès de Jeanne d’Arc, le manuscrit Stone 84 du British Muséum, celui de sa réhabilitation que l’on croyait perdu. Il bouleverse du même coup l’historiographie de l’héroïne nationale et en devient l’un des biographes éminents. En 1931, il consacre un ouvrage à une autre femme du Moyen Age, liée à l’histoire de Nogent-sur-Marne : Agnès Sorel, à qui le roi Charles VII a donné son manoir de Beauté. Le récit de la vie de la " dame de Beauté " est révélateur des aspects novateurs de la démarche de Pierre Champion. Car, en évoquant Agnès Sorel, Champion fait la part entre le mythe et l’histoire et consacre près de la moitié de son ouvrage à l’étude de la légende de la belle Agnès. Une partie de ses études est aussi spécifiquement centrée sur Nogent-sur-Marne. Outre Agnès Sorel et Watteau, Champion recense toutes les traces médiévales de la ville.

A la fin de sa vie, il accède à L’Académie des sciences morales et politiques (1940) puis à l’Académie Goncourt (1941).

 

Le 16 rue Charles VII

Comme prédestiné pour le Moyen Age, Pierre Champion habite 16 rue Charles VII à Nogent-sur-Marne. Cette vaste propriété dotée d’un splendide parc est un des lieux où il écrit. Une partie de la maison est d’ailleurs organisée pour le travail méticuleux de l’historien. Champion dispose d’une exceptionnelle bibliothèque comprenant 18.000 volumes, 250 manuscrits et recueils d’autographes et 25 incunables. A cette bibliothèque s’ajoutent quantité de trésors : plus de 17.000 estampes, dont certaines de Watteau, de Daumier ou de Vernet; un musée d’armes anciennes, un des fusils de Stanislas Leczinsky, roi de Pologne, l’épée du consul Bonaparte... C’est au coeur de ce sanctuaire inspiré qu’il rédige certains de ses ouvrages, ayant à la portée de la main toute une documentation et certaines des sources dont il a besoin. Cette bibliothèque est aujourd’hui dispersée, les volumes les plus précieux ayant intégré la Bibliothèque Nationale.  
La maison des artistes
La maison des artistes
Toutefois, plusieurs centaines de ces volumes sont aujourd’hui conservées aux archives municipales de Nogent-sur-Marne où ils sont consultables ( l’inventaire suit ce texte). La propriété de la rue Charles VII, devenue la Maison nationale des artistes continue, quant à elle, conformément au voeux de Madeleine Smith, à accueillir des artistes pour leur retraite





© Vincent VILLETTE - Archiviste de Nogent sur Marne
le 14/10/2000





le 25/11/2010 :
Cette collection fait l'objet d'un reconditionnement, et les ouvrages sont provisoirement indisponibles au public.